Données ouvertes: transformer la dépense en investissement
Réunis sous un même toit en fin de semaine, des passionnés de programmation souhaitant contribuer à leurs projets open source favoris et un Hackathon organisé par la ville de Québec sur leurs données ouvertes. Tout ça, dans le cadre du OpenHack, organisé en lien avec le Web à Québec par Jean-Philippe Doyle.
Ayant nous même déjà participé à l’organisation d’événements où il y avait des données ouvertes (Hackathon à l’abri.co en 2011, IronWeb 2012-2013, HackQuébec 2012), nous nous sommes demandés comment la perception des participants avait évolué avec le temps et si leurs motivations étaient toujours les mêmes.
Sur un coup de tête, nous avons décidé de contribuer à l’initiative de la ville à notre façon en allant faire une enquête terrain pour le plaisir. La technique utilisée a été d’aller discuter avec les participants et de leur poser plusieurs questions pour comprendre comment ils vivent l’événement.
Ce qui en ressort, c’est une enquête de fin de semaine aux résultats non scientifiques.
Les questions que nous avions en tête: - Que pensent les programmeurs de l’événement et des Hackathons en général? - Que pensent les programmeurs des données de la ville et comment les améliorer? - Comment assurer la viabilité des projets et maximiser l’investissement de la ville?
Que pensent les programmeurs de cet événement et des Hackathons en général?
Les programmeurs qui n’ont pas utilisé les données de la ville se sont déplacés pour travailler sur des projets open source entre eux. C’est le côté rassemblement qui les intéresse, avoir le plaisir de travailler ensemble sur des projets qu’ils utilisent au quotidien, juste pour le plaisir.
Les points faibles de ces événements en général: - Les applications sont souvent créées très (trop) rapidement durant les concours pour ensuite être jetés à la poubelle. - Les programmeurs veulent pouvoir travailler à long terme sur leur projet, que le projet aie une vie et qu’il soit utilisé par les citoyens. - Les données de la ville sont souvent sorties dans le cadre de concours qui ressemblent plus à des événements promotionnels qu’à des rassemblements d’enthousiastes.
Les points forts de cet événement en particulier: - La licence d’utilisation récemment adoptée par la ville est très appréciée, elle simplifie l’utilisation et enlève les ambiguïtés légales. - Les participants ont beaucoup apprécié le fait que la ville propose deux projets: celui des stationnements et le projet sur les événements. - La collaboration avec l’université sur l’application de stationnement a été très bien accueillie par les participants, qui trouvent ce type de projet très prometteur. À leurs yeux, ça ressemble maintenant plus à une collaboration entre la ville et les participants qu’un simple concours.
Opportunités pour la ville: - Continuer d’explorer les partenariats avec les CÉGEP et Universités afin d’offrir des projets concrets aux étudiants.
Que pensent les programmeurs des données de la ville et comment les améliorer?
En général, les programmeurs veulent des données utiles qui permettent d’aider les citoyens dans leur quotidien mais aussi avec lesquelles ils peuvent rapidement créer des applications. Malgré le fait que plusieurs n’utilisaient pas les données de la ville, tous se sont prononcés en faveur de l’initiative de la ville.
Au niveau technique:
- Les formats des fichiers ne sont pas faciles à utiliser, XML n’est pas le meilleur choix pour utiliser rapidement les données et il manque de l’information d’identification pour faire facilement le lien entre les données. L’utilisation d’un standard pourrait aider.
- Les données devraient être accessibles sous forme d’API en lecture seule afin de pouvoir trier, filtrer et manipuler les données à recevoir, ce qui pourrait faciliter de beaucoup les mises à jour des données, étape actuellement très complexe.
- Certaines données, telles que celles des bornes de stationnement, ont des formats particuliers trop complexes auxquels il manque beaucoup d’informations. Il est donc très difficile de les manipuler et de les utiliser de façon pratique.
Au niveau de l’utilité des données:
- Les données actuellement disponibles sont très statiques et ressemblent plus à un inventaire de la ville (arbres, bornes fontaines) qu’à un flux de données. Les programmeurs préféreraient avoir de l’information en temps réel sur des sujets importants (parking, déneigement).
- Le fait que les données soient très statiques et que les jeux de données soient restreints limite les développeurs dans leur inspiration. Plusieurs nous disent ne pas savoir quoi faire des données disponibles actuellement.
Opportunités pour la ville:
- Données de transparence: la liste des contrats et dépenses publics permettraient d’alimenter les journalistes et de bien informer les citoyens sur leurs taxes et impôts.
- Données en temps réel: travaux, opérations déneigement (information détaillée des zones ciblées et des stationnements disponibles), trafic (accidents et autres gênes routières), criminalité, votes (pendant les élections).
Comment assurer la viabilité des projets et maximiser l’investissement de la ville?
Les participants s’accordent pour dire que la ville doit poursuivre ses travaux et ses initiatives, et ce malgré le fait que les projets qui naissent dans ce type d’événements sont pour la plupart jetés à la poubelle après coup.
Au niveau de la viabilité des projets:
- Le fait que les projets gagnants soient laissés de côté et oubliés après avoir remporté de gros prix de la ville est vu comme une dépense qui pourrait être mieux utilisée.
- Les participants mettent beaucoup d’énergie et d’efforts pour produire quelque chose d’utile, mais la plupart des projets meurent oubliés sur les tablettes.
Au niveau de l’entrepreneuriat:
- Les données actuelles n’offrent pas assez de valeur pour qu’on puisse fonder une entreprise en les utilisant, il est difficile de trouver un modèle d’affaires rentable.
- Les données sont difficilement monétisables, surtout si l’on doit transiger par des équipements que possèdent la ville (parcomètres) ou s’il y a des contraintes légales.
Opportunités pour la ville:
- La ville devrait explorer des alliances avec les entrepreneurs en démarrage pour qu’ils puissent monétiser leurs applications. Par exemple, une application pour payer le stationnement avec son téléphone devrait pouvoir prendre une cote sur la transaction.
- Transformer les prix des concours en primes (bounty) pour la contribution aux projets existants permettrait de faire évoluer les projets plutôt que d’en démarrer de nouveaux à chaque fois, ce qui n’empêche pas d’offrir de plus petits prix pour les projets innovants.
- Créer un espace public de collaboration en ligne afin que les projets de tous s’y retrouvent et qu’ils puissent être repris, améliorés et continués par d’autres.
Conclusion
L’initiative des données ouvertes de la ville est très appréciée par tout le monde, mais plusieurs sont déçus qu’elles ne soient pas plus utilisées et ne permettent pas de faire des applications viables.
À l’heure où l’on parle d’un incubateur d’entreprise technologiques à Québec, nous croyons qu’il faut voir les programmeurs des hackathons comme des entrepreneurs plutôt que comme des enthousiastes. Un des buts ultimes que devrait avoir la ville, c’est de fournir des données et des conditions d’utilisation tellement intéressantes que des entreprises émergent avec ces données pour fondation.
Ça, ce serait transformer la dépense en investissement.